Mary Lou Williams

Mary Lou Williams (1910-1981) est une pianiste, compositrice et arrangeuse. Immense musicienne injustement négligée de son vivant, la « Première Dame du Jazz » a la particularité d’avoir traversé plusieurs décennies d’histoire de cette musique, et d’avoir épousé, voire préfiguré, son évolution.

Née à Atlanta et élevée à Pittsburgh, Mary Elfrieda Scruggs de son nom de naissance, est une jeune prodige de la musique. Dès l’âge de 6 ans, la « Little Piano Girl » comme on la surnomme alors, est capable de gagner des sous avec le piano. À 12 ans, elle participe à des spectacles de vaudeville, puis part sur la route avec l’orchestre du saxophoniste John Williams, qui deviendra son premier mari. 
Quand celui-ci est recruté dans le big band d’Andy Kirk (Andy Kirk and His Twelve Clouds of Joy), elle le suit, et le couple s’installe à Kansas City. Remarquée par Kirk, elle intègre progressivement l’orchestre comme pianiste et compositrice, et complète sa formation musicale avec lui. De 1929 à 1942, elle devient un élément essentiel du style de l’orchestre, qui navigue, selon les époques et les morceaux, entre stride, swing et inspiration boogie woogie. 
À la même période, elle compose également pour, entre autres, les orchestres de Benny Goodman et Duke Ellington. 

En 1944, après un divorce et un remariage éphémère avec le trompettiste Harold « Shorty » Baker, fatiguée des tournées, Mary Lou Williams s’installe à Harlem. Là, elle entame un engagement au très en vogue Café Society, où Billie Holiday a chanté Strange Fruit pour la première fois en 1939, et se tourne vers le jazz moderne. Elle écrit notamment In the Land of Oo-Bla-Dee pour le big band de Dizzy Gillespie, et joue un rôle de mentor pour les grands noms du bebop en devenir : Thelonious Monk, Kenny Durham, Bud Powell, Dizzy Gillespie, Sarah Vaughan… 
En 1945, elle termine ce qui deviendra son œuvre phare, une Zodiac Suite en 12 mouvements qui mêle jazz et musique classique. Inspirés par l’astrologie, chaque morceau porte le nom d’un signe du zodiaque. Bien qu’elle ait été créée avec un orchestre de chambre en décembre 1945 au Town Hall à New York, l’œuvre n’a été enregistrée qu’en trio. 

Au début des années 1950, Mary Lou Williams part en tournée en Europe, et s’installe quelques temps à Paris. Elle est fatiguée, car son talent n’est pas reconnu à sa juste valeur. Souvent non créditée, mal payée, essuyant les refus des grandes maisons de disque, elle doit se battre pour des miettes de pain. 
En 1956, à la suite d’une profonde crise morale et psychologique, elle se convertit au catholicisme, et fonde la Bel Canto Foundation, destinée à venir en aide aux musiciens dans le besoin, drogués ou fauchés. 
En 1957, elle rejoint l’orchestre de Dizzy Gillespie au festival de Newport pour interpréter des extraits de sa Zodiac Suite, arrangés pour l’occasion par Melba Liston. 

Les années 1960 sont une période de renouveau religieux. Délaissant la scène, elle écrit des messes, et une œuvre vocale qui incorpore des éléments de rock’n’roll et de soul, Mary Lou Williams Presents Black Christ of the Andes (1963), en hommage au premier saint noir reconnu par l’Église catholique, Saint Martin de Porrès. Parallèlement, elle crée son propre label, Mary Records. 
À partir de 1968, elle remonte sur scène et enregistre « Zoning » (1974), qui, mêlant des sonorités funk, free, modales, binaires, etc., témoigne de son extraordinaire modernité. 

En 1977, elle signe enfin pour deux albums avec un grand label de jazz, Pablo, dirigé par Norman Granz. La même année, elle est engagée comme artiste en résidence à la Duke University, en Caroline du Nord, dont elle dirige le big band

En 1980, elle fonde la Mary Lou Williams Foundation, pour préserver son héritage artistique, et encourager l’apprentissage de la musique. 

Elle s’éteint en 1981.