Billie Holiday

1915-1959

Chanteuse américaine

Une voix unique

Billie Holiday n’a jamais appris à chanter, elle ne lit pas la musique et apprend tout d’oreille ; pourtant sa voix compte parmi les plus grandes du 20siècle. Jamais démonstrative, d’une technique minimale comparée à certaines de ses consœurs, comme Ella Fitzgerald, elle parvient à transpercer les âmes en chantant les émotions brutes. Sa voix rauque, habitée, au grain râpeux, est emblématique de la tradition vocale des grandes figures féminines du blues, dans la lignée de Ma Rainey ou Bessie Smith. Une chanteuse qu’elle a, avec Louis Armstrong, beaucoup écoutée, enfant.

“Lady Day”

Au début des années 1930, la chanteuse et le saxophoniste Lester Young nouent une profonde amitié. Il la surnomme « Lady Day », elle le surnomme « President », ou plus brièvement « Prez ». Ils fréquentent ensemble les clubs après leurs engagements respectifs, du soir au matin. Elle meurt quelques mois après la disparition de Lester Young

Des amours toxiques

« My man don’t love me, treats me oh so mean. My man, he don’t love me, treats me awful mean.  He’s the lowest man, that I’ve ever seen. »  chante-t-elle dans Fine and Mellow. L’amour toxique est l’une des thématiques centrales des chansons que Billie Holiday choisit de chanter, en écho à sa vie sentimentale tourmentée. Les hommes qui la séduisent sont la plupart du temps violents, et liés de près ou de loin à la drogue et à la prostitution. Peut-être plus qu’une autre, Billie Holiday a écrit et chanté des chansons qui la concernaient directement.

« Strange Fruit »

“Southern trees bear strange fruit“ : ainsi commence l’une des chansons les plus célèbres de Billie Holiday. Réquisitoire contre le racisme aux États-Unis, elle évoque à l’aide d’une sinistre métaphore les lynchages et les pendaisons qui avaient lieu dans les États du Sud du pays. Écrit et publié en 1937, ce poème, mis en musique par l’auteur-compositeur new-yorkais Lewis Allen, qui est aussi un activiste juif et communiste, est inspiré du meurtre de Thomas Shipp et Abram Smith dans l’Indiana en 1930.
Bille Holiday l’interprète pour la première fois en 1939 au Café Society de New York. La rencontre des mots de Lewis Allen avec la voix bouleversante de Billie Holiday va produire un titre hors du commun, toujours interprété en fin de concert – un rituel scénique qui en accentue encore la puissance.
À une période où les protest songs ne sont pas encore à la mode, la chanson fait grand bruit, mais, malgré les menaces, Billie Holiday refuse de la retirer de son répertoire et elle devient sa chanson signature.

En 1999, le magazine américain Time sacre le titre “chanson du siècle”. D’autres considèrent que Strange Fruit a eu un effet politique aussi grand que le refus de Rosa Parks de céder sa place dans un bus de Montgomery, dans l’Alabama, en 1955.

Lady Sings The Blues

C’est après une tournée triomphale en Europe que Billie Holiday publie son autobiographie en 1956, s’inscrivant dans une tradition partagée par de nombreux artistes afro-américains de l’époque, à l’image de Charles Mingus. Ce témoignage, tendu de bout en bout, sur une existence faite d’épreuves dans une Amérique blanche a été composé par le journaliste William Dufty à partir d’interviews et d’articles de presse, et possiblement d’entretiens avec l’artiste, encore que ça ne soit pas certain. Même si c’est elle qui signe le livre, Billie Holiday n’en a probablement pas écrit une ligne. Lady Sings The Blues est néanmoins considéré comme l’un des plus beaux textes de musicien·ne·s.


Un peu de lecture

Billie Holiday, Lady Sings the Blues, traduction Danièle Robert-Guédon
Éditions Parenthèses, 2003

Sylvia Fol, Billie Holiday, Gallimard, coll. Folio Biographies, 2005

Angela Davis, Blues et féminisme noir, Traduction Julien Bordier
Éditions Libertalia, 2017

José Muñoz et Carlos Sampayo, Billie Holiday, Casterman, 2022

Jazz Magazine, « Billie Holiday, la chanteuse du siècle », N°669, février 2015