
Originaire d’Allemagne, et après 20 ans de vie à Londres, la saxophoniste Ingrid Laubrock s’installe à New York en 2008, pour rejoindre le batteur Tom Rainey, qui deviendra son mari. La musique étant pour elle d’abord une histoire de rencontres, elle s’entoure d’un cercle de musicien·ne·s qui devient une sorte de famille artistique, et qu’elle retrouve d’album en album : Kris Davis, Tyshawn Sorey, Mary Halvorson, Myra Melford, Zeena Parkins, Tim Berne…
Depuis, elle est progressivement devenue une figure majeure de la scène expérimentale new-yorkaise.

À la sortie du lycée, Ingrid Laubrock part vivre à Berlin quelques mois, puis s’installe à Londres, avide de faire de nouvelles expériences. C’est à ce moment-là, autour de ses 18 ans, qu’elle commence à jouer du saxophone. « Je n’ai pas fréquenté d’école tout de suite. J’avais envie de vivre, d’essayer des choses. J’ai suivi plusieurs workshops et j’ai eu quelques mentors, dont David Liebman, mais rien de régulier. J’ai appris sur le tas, progressivement, un peu comme ça se faisait avant. C’est bien plus tard que je suis allée à l’université. »

À Londres, elle co-fonde en 1995 le collectif F-IRE, dans le but d’ouvrir une troisième voie entre jazz traditionnel et free. S’intéressant aussi bien aux musiques africaines qu’au quatuor à cordes, F-IRE comprend une trentaine de musicien·ne·s, dont Kit Downes ou, à l’époque, Sebastian Rochford et Tom Arthurs. Ensemble, ils organisent des concerts, des festivals, créent un label… « L’idée du collectif n’était pas neuve (il y avait déjà l’Association for the Advancement of Creative Musicians à Chicago, le Black Arts Movement à St Louis, M’Base à New York), mais ce qui était nouveau pour nous, c’était la prise de conscience que les artistes peuvent faire de belles choses s’ils unissent leurs forces plutôt que de travailler individuellement, les uns contre les autres. »
Si elle n’a pas rejoint de collectif officiel à New York, le même esprit préside à ses choix de carrière.

Après un premier album en 1997, l’écriture prend petit à petit une part grandissante dans les activités d’Ingrid Laubrock. Aujourd’hui, elle compose de la musique entièrement écrite (Ashes pour quatuor à cordes) et des pièces où écriture et improvisation se mélangent, et ce pour petite et moyenne formation (Monochromes en 2022, The Last Quiet Place en 2023) comme pour orchestre (Contemporary Chaos Practices en 2018, Dreamt Twice, Twice Dreamt en 2020), renouvelant à chaque fois son langage compositionnel.

Ingrid Laubrock est proche de la « New Music », à savoir la musique contemporaine occidentale de la fin du 20e siècle et du début du 21e. Ouverte sur le monde, nourrissant un goût pour l’abolition de toute frontière stylistique, la New Music telle qu’elle se développe à New York explore de multiples directions de jeu et d’écriture, et mêle volontiers écriture et improvisation. Si ce courant est extrêmement vaste, Laubrock s’inscrit en particulier dans la continuité de compositeurs africains-américains comme Anthony Braxton ou George Lewis, tous deux des figures de l’AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians).