
Sarah Murcia
Sarah Murcia, née en 1976 dans une famille où l’on chante beaucoup, commence par jouer du piano classique jusqu’à l’âge de 15 ans. Elle complète avec le violoncelle à partir de 8 ans, et la contrebasse arrive à 14 ans (difficile de faire plus tôt, de toute façon, avec cet instrument imposant). Pourquoi la contrebasse ? « Parce que je suis allée voir Henri Texier en concert, et que je me suis dit : c’est ça que je veux faire ! Mes parents m’emmenaient voir beaucoup de jazz, et j’aimais bien l’endroit de cet instrument, discret mais indispensable. On ne le voit pas, mais s’il n’est pas là, on remarque son absence. »
Elle débute son apprentissage dans les classes de musique improvisée des frères Villaroel, avant de devenir l’élève de Jean-François Jenny-Clark entre 17 et 23 ans. « Au début, j’étais très inhibée. J’avais hyper peur d’improviser. C’est le truc qui m’a pris le plus de temps dans ma vie, arrêter d’avoir peur. »
Dès l’âge de 18 ans, elle part en tournée (avec Charles-Eric Couturier) et se retrouve de fait musicienne professionnelle. En parallèle, elle obtient une licence de musicologie à la Sorbonne, mais sur le conseil de son professeur, finit par arrêter définitivement les études universitaires pour se consacrer entièrement à la musique.
La rencontre avec ceux qui deviendront sa famille musicale (Magic Malik, Olivier Py, Gilles Coronado, Franck Vaillant, Sylvain Cathala, Benoît Delbecq) est déterminante. Ils se retrouvent pour des sessions sur des morceaux de Steve Coleman, Aka Moon, M’Base, et se font une espèce de spécialité de jouer ces musiques mathématiques, à boulier, « pointues et compliquées ». Le groove de ces sons débraillés, bruts, accidentés attirent surtout la contrebassiste, qui a beaucoup écouté de reggae, de funk, de rockabilly, de country… Et puis, ces musiques sont « comme des casse-têtes, des énigmes » qui exigent une pensée rythmique précise, acérée. La contrainte comme condition de la liberté — un principe qu’elle applique dans sa propre écriture.
« Je compose de la musique depuis toujours. J’ai commencé quand j’avais 14-15 ans. J’ai toujours eu des groupes à moi. » En 2001, elle monte le quartet Caroline, avec Franck Vaillant, Gilles Coronado et Olivier Py. En 2017, elle forme un nouveau quartet, Eyeballing, avec Benoît Delbecq, Olivier Py et François Thuillier.
Sidewoman recherchée, elle joue par ailleurs avec Louis Sclavis, Sylvain Cathala, Noël Akchoté…
En 2019, elle intègre l’Orchestre National de Jazz et participe aux programmes Frame by Frame et Ex Machina.
À côté du jazz, Sarah Murcia accompagne au fil des ans des groupes de rock (Elysian Fields), la chanteuse et oudiste palestinienne Kamilya Jubran et plusieurs chanteurs (Jacques Higelin, Piers Faccini, Rodolphe Burger). « La chanson, c’est complètement magique. Ça conjugue à la fois mon amour pour la littérature et une forme d’immédiateté. En très peu de temps, on peut dire quelque chose de fort et d’accrocheur. »
Elle-même a « toujours chanté », mais c’est avec le groupe de chansons latino-américaines Las Ondas Marteles, de Nicolas et Seb Martel, qu’elle a commencé à le faire sur scène. Même si elle « ne se considère pas comme une chanteuse », la voix prend progressivement de plus en plus de place dans ses projets. « Je n’écris pas moi-même, mais je collabore souvent avec Vic Moan. » Il lui donne un ensemble de textes et elle découpe dedans pour construire son propre poème, comme dans
« Eyeballing » (2019), le premier album du quartet éponyme. Même chose pour le spectacle avec Mark Tompkins, My Mother Is a Fish (2020), mais adapté du roman Tandis que j’agonise de William Faulkner.
Tel un « jukebox ambulant », elle se spécialise également dans l’art de la reprise. « La reprise fait appel à l’inconscient collectif. C’est un hommage, et ça crée un lien avec le public, puisqu’on a un patrimoine commun. » Beau Catcheur, le duo qu’elle forme depuis 2000 avec Fred Poulet, la conduit à reprendre les Stooges (« Pas d’amusement », 2019) ainsi qu’une multitude de tubes, de Dur dur d’être un bébé à One More Time en passant par My Heart Belongs to Daddy. Elle relit les Sex Pistols avec Caroline dans l’album « Never Mind the Future » (2015). Imagine onze versions différentes de My Favorite Things pour Arte (2018). Se laisse Transformé(e) par Lou Reed avec la performeuse et chorégraphe Fanny de Chaillé (2021). Crée un projet sur Beck avec Caroline + Benoît Delbecq et le chanteur Dylan James (2023).
Enfin, elle écrit pour le cinéma, la danse, et travaille régulièrement comme arrangeuse pour Arte.
Depuis le début, Sarah Murcia se tient en équilibre entre la chanson, le rock, les musiques expérimentales et les musiques polyrythmiques. Attirée par la prise de risque, le dépassement de soi, elle a « besoin d’un os à ronger. Si je sais faire ce qu’on me demande, je m’ennuie. Je préfère ne pas savoir, ce qui arrive souvent dans ces musiques. Ça me tient éveillée. »